Conseil de transition en Haïti: un bon modèle

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À condition d'être: 1. soumis aux lois, à un système de contrôle et à des règles efficaces de fonctionnement; 2. bien composé, bien structuré et bien missionné.

La communauté internationale a suggéré en Haïti la création d'un Conseil présidentiel de transition (CPT), qui rencontre la réticence de certains acteurs politiques et suscite de nombreuses interrogations au sein de la population haïtienne. Ce conseil devrait être constitué de neuf membres, dont sept titulaires pour une présidence tournante et deux observateurs issus des secteurs religieux et de la société civile, tel que convenu lors de la réunion du 11 mars 2024 à Kingston entre la Communauté des Caraïbes (Caricom) et l'ONU, avec les acteurs haïtiens et d'autres partenaires internationaux. Beaucoup d'Haïtiens estiment qu'un tel conseil serait condamné à l'échec, et ils ne sont probablement pas dans l'erreur. Un Conseil présidentiel de transition en Haïti risque d'entraîner de nouvelles crises s'il n'est pas correctement structuré, soumis à des lois et à une juridiction certaine, indépendante et impartiale, et si ses membres ne sont pas véritablement sujets à un contrôle, à des poursuites et à des sanctions. La situation pourrait s'aggraver si les membres du conseil avaient la possibilité d'accroître impunément le népotisme, le partisanisme et la corruption qui caractérisent Haïti. Néanmoins, un Conseil gouvernemental de transition pourrait représenter un modèle politique viable pour mettre fin aux crises récurrentes en Haïti.

Un tel conseil peut être salvateur pour Haïti, si les conditions suivantes sont réunies, à savoir:

1) Si ce conseil est soumis aux lois, à une juridiction de droit commun efficace, indépendante et impartiale, et au contrôle des organes étatiques de contrôle, de prévention, de poursuite et de sanction, notamment :

  • À un système efficace de contrôle de constitutionnalité et de conventionnalité, pour garantir la constitutionnalité et la conventionnalité des politiques, décisions et actes de ce Conseil de transition. Autrement dit, il serait nécessaire de mettre préalablement en place le Conseil constitutionnel prévue par la Constitution ou de conférer à chaque juge ce pouvoir de contrôle de constitutionnalité et de conventionnalité.
  • À un Parquet général (Procureur général) ou d’un Ministère public indépendant et impartial, pour garantir l’intérêt général du Peuple haïtien, prévenir le népotisme et le partisanisme dans le fonctionnement dudit conseil, prévenir l’arbitraire et l’illégalité des décisions dudit conseil, rechercher les infractions administratives et pénales, mener les poursuites administratives et pénales et, s’il échet, des actions en constitutionnalité et en conventionnalité.
  • À une juridiction administrative, avec une cour administrative d’appel et des tribunaux administratifs départementaux, pour sanctionner l’illégalité des décisions et actes administratifs individuels.
  • À un pouvoir judiciaire adapté, avec une Cour de cassation fonctionnelle, rationnellement organisée et, tout au moins, un système pénal efficace pour dissuader les membres de ce conseil à se conformer aux lois et à remplir convenablement leurs missions.

Aucune de ces conditions essentielles n'est actuellement remplie en Haïti, un pays dépourvu de système de contrôle de constitutionnalité et de conventionalité, sans ministère public ni système de poursuite indépendant et impartial, dénué d'une véritable juridiction administrative, sans Cour suprême (Cour de cassation) opérationnelle, et manquant d'un système juridictionnel et pénal adéquat.

Il n'existe pas dans le monde un seul État capable de fonctionner normalement sans un ministère public indépendant et impartial pour la poursuite et la sanction, sans un système de contrôle de constitutionnalité et de conventionalité, sans une juridiction administrative, sans des juges et des représentants exécutifs et législatifs proprement dits.

2) Si ce conseil est suffisamment éthique, suffisamment représentatif territorialement, suffisamment indépendant des partis politiques et des acteurs décriés par la population haïtienne, et si ses membres sont choisis conformément aux principes d'aptitude, de compétences, de neutralité politique, de moralité, d’honnêteté et d’exemplarité.

Compte tenu de la situation actuelle en Haïti, il est nécessaire que le Conseil gouvernemental reflète la représentativité des départements d'Haïti et de la diaspora haïtienne. Cela permettrait une implication active et maximale des collectivités territoriales, des populations locales et de la diaspora haïtienne dans une transition légitime et universellement acceptée. Il est aussi essentiel de décentraliser les prises de décisions, actuellement trop concentrées à Port-au-Prince, afin de garantir l'objectivité et la neutralité de cette transition. Ainsi, le Conseil gouvernemental de transition devrait compter 11 membres, soit un représentant pour chacun des départements et un pour la diaspora haïtienne, choisis selon les principes de neutralité politique, de compétence, d'égalité des chances, de moralité, d'honnêteté, d'exemplarité et de capacité à représenter l'intérêt général ainsi que les valeurs positives de la nation haïtienne.

Pour assurer l'égalité des chances à tous ceux qui remplissent les conditions nécessaires pour mener à bien la transition et reconstruire l'État haïtien, le Protecteur du citoyen et toute autre institution suffisamment indépendante et neutre pourraient être mandatés pour présélectionner les candidats éligibles au conseil de transition. Un tirage au sort serait ensuite organisé pour désigner les 11 membres qui composeront ce conseil.

Si le conseil est constitué des mêmes figures politiques (anciens parlementaires, ex-ministres ou membres de partis politiques) responsables de la crise actuelle, ayant bénéficié de cette situation sans apporter la preuve d'efforts pour l'améliorer, ses résultats seront incertains. Comme l'a souligné Albert Einstein: « On ne peut pas espérer résoudre un problème avec le même état d'esprit qui l'a engendré ». De même, on ne peut s'attendre à ce que les éléments faisant partie intégrante du problème contribuent à sa résolution.

L'inadéquation de l'organisation et du fonctionnement des partis politiques est l'une des causes de la crise actuelle en Haïti. Par conséquent, le conseil de transition devrait préserver son indépendance vis-à-vis de ces partis et être suffisamment compétent pour encadrer le droit d'opposition politique et les partis politiques, afin de réussir la transition. Bien que tous ne le soient pas, certains partis ou groupements politiques propagent un discours excessivement divisif, incitant à la haine, rétrograde, irresponsable et périlleux. Ces partis doivent être rendus capables de participer au changement nécessaire en Haïti. Il est essentiel que les dirigeants des partis politiques soient des individus hautement qualifiés, éduqués, compétents, intègres et éclairés, possédant un sens aigu du bien commun, de l'intérêt général et de l'État.

3) Si ce conseil est organisé pour fonctionner comme un organe directorial collégial à présidence tournante, sans président de la République, ni Premier ministre, ni ministères traditionnels proprement dits.

Pour qu'un tel conseil puisse réussir, il faudrait l'organiser de manière à ce qu'il fonctionne comme un régime directorial collégial avec une présidence tournante tous les six mois, sans président de la République, ni Premier ministre, ni ministères traditionnels. Cela permettrait de prévenir les risques de dérives dictatoriales et d'altération des pouvoirs, ainsi que de résoudre les problèmes liés aux fonctions de président de la République, de Premier ministre et de ministre en Haïti. Dans cette configuration, les ministères seraient réorganisés en 11 départements d'État, chacun dirigé par un membre du conseil. Ce dernier aurait un rôle purement d'orientation et de conception des politiques publiques. Les décisions seraient prises collégialement, avec l'avis du Parquet général, sous le contrôle a priori du Conseil constitutionnel et sujettes à recours a posteriori devant ce même conseil.

Une telle organisation devrait permettre un fonctionnement plus responsable et plus efficace des services de maintien d'ordre et de sécurité intérieure, notamment de la Police nationale d'Haïti et des Forces armées d'Haïti, ainsi que des services publics de base.

Je tiens néanmoins à rappeler que le système gouvernemental basé sur un Premier ministre et des ministres sans pouvoir réel ni autonomie - des fonctionnaires politiques agissant selon les caprices du président de la République ou des parlementaires - est l'une des causes principales de la situation actuelle en Haïti. Si aujourd'hui on instaure un conseil présidentiel composé de plusieurs membres (un conseil de sept ou neuf 'présidents', pour exagérer), sans aucun contrôle, à la tête d'un gouvernement mal organisé, avec un Premier ministre et des ministres sans autonomie à la tête de ministères dont certains ne sont régis par aucune loi organique concrète, on court le risque d'une catastrophe politique. Cela reviendrait à jeter de l'huile sur le feu en Haïti.

4) Si la mission de ce conseil est suffisamment adaptée aux besoins et revendications réels et actuels du Peuple haïtien.

Compte tenu des besoins actuels du peuple haïtien et des causes fondamentales des crises récurrentes en Haïti, la mission d'un Conseil de transition devrait être : de rétablir la paix, l'ordre et la sécurité ; de refonder entièrement l'État ; de réaliser un diagnostic complet du système politique ; d'adapter les systèmes électoral, éducatif, financier et de participation politique, les pouvoirs publics, les institutions indépendantes ; de structurer les institutions essentielles au bon fonctionnement de l'État ; d'aider à l'élaboration d'une nouvelle Constitution et à la tenue d'élections intègres.

La mission de ce conseil devrait satisfaire aux besoins réels du Peuple haïtien, y compris l'adaptation du système politique, plus précisément des partis politiques, des critères d'éligibilité aux fonctions politiques, du système électoral et de participation politique. C'est essentiel pour pouvoir réaliser des élections honnêtes et insusceptibles de crises récurrentes en Haïti.

Actuellement, Haïti est confronté à l'absence de représentants légitimes et de juges correctement encadrés pour rendre la justice. Le pays ne possède ni un mécanisme de contrôle de la constitutionnalité et de la conformité aux conventions, ni une Cour suprême opérationnelle, ni une juridiction administrative digne de ce nom, ni un ministère public indépendant et impartial ou un système judiciaire adéquat pour les procédures pénales et les sanctions. Il s'agit d'un pays dont les institutions sont structurées de manière à provoquer des soulèvements violents ou armés, à aller à l'encontre de l'intérêt général du Peuple haïtien, compromettant ainsi la participation politique et citoyenne qui devient, de facto, inexistante. Par conséquent, un Conseil gouvernemental de transition devrait avoir pour mission principale de prendre les mesures nécessaires pour déconstruire les causes déterminantes des crises en Haïti et notamment:

  • De réaliser un diagnostic objectif global de la situation haïtienne;
  • De rendre les forces vives de la Nation haïtienne capables de contribuer au bien-être collectif et individuel, y compris les partis politiques, la presse, le secteur religieux, la société civile;
  • De rendre opérationnelles les institutions essentielles au fonctionnement normal d'un État et de garantir, au minimum, les principes d'intérêt général, d'autodétermination et de souveraineté ;
  • De réformer les fonctions législatives, exécutives, judiciaires et de contrôle de l'État, ces dernières étant altérées, perverties et compromises par la mauvaise organisation du système politique haïtien ;
  • De rendre possibles des élections honnêtes et une participation politique vertueuse, libre, efficace, responsable et bénéfique pour le Peuple haïtien;
  • De déconstruire les causes systémiques des insécurités, notamment le système d'exploitation du Peuple haïtien par une minorité politique et les facteurs qui font d'Haïti un État-piège pour la gouvernance internationale, un État corrupteur des valeurs, des principes et des droits fondamentaux, un État-fabrique des injustices, de la violence et des insécurités.

5) Si les critères d'éligibilité à ce conseil sont définis préalablement et si l'on établit un cadre juridique d'organisation et de fonctionnement normal dudit conseil avant sa mise en place.

Actuellement, il n'existe aucun texte juridique dédié à la structuration et à la mise en œuvre d'un Conseil gouvernemental de transition en Haïti, ni pour garantir son fonctionnement normal. Les membres potentiels de ce conseil ne peuvent pas se sélectionner eux-mêmes. Il est également inconcevable qu'ils soient désignés par un seul secteur ou au sein d'un même secteur. Les candidats au conseil doivent impérativement satisfaire à des critères de compétence et d'éligibilité pour occuper des fonctions élevées au sein de l'État. À cette fin, il est essentiel de créer une structure technique chargée d'examiner les dossiers des postulants afin de déterminer les individus éligibles pour siéger à ce conseil, et de formuler les règles régissant son organisation et son fonctionnement. Le risque serait considérable si ce conseil devait s'auto-instaurer, se structurer et s'autoréguler selon ses propres normes d'organisation et de fonctionnement.

Bien qu'il puisse exister d'autres conditions, celles-ci sont fondamentales pour assurer le fonctionnement normal d'un Conseil de transition en Haïti.

 

Il y a donc lieu:

  • De soumettre ledit conseil aux lois, à une juridiction certaine, indépendante et impartiale, sous le contrôle préalable d’organes de contrôle, de prévention, de poursuite et de sanction;
  • De garantir la représentativité territoriale dudit conseil et son aptitude à représenter tous les Haïtiens, conformément aux principes de neutralité, d’égalité de chances, d’impartialité, de compétences, de moralité, d’honnêteté et d’exemplarité;
  • De le structurer de façon qu’il puisse fonctionner comme un régime directorial collégial à présidence tournante, sans président de la République, ni Premier ministre, ni ministères traditionnels proprement dits;
  • D’en adapter la mission aux besoins réels du Peuple haïtien;
  • D’élaborer les critères d’éligibilité à ce conseil, ainsi qu’un plan ou règlement de structuration et de fonctionnement dudit conseil avant même de le mettre en place.

À cet effet, j'aimerais inviter le Protecteur du citoyen, la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA) et tous les autres organes susceptibles de soutenir le processus de transition en Haïti à s'organiser. L'objectif serait d'élaborer les critères d'éligibilité pour ce conseil, ainsi qu'un document de structuration et de fonctionnement avant sa mise en place.

Un Conseil gouvernemental de transition, organisé conformément aux principes de l'État de droit et fonctionnant en collégialité, serait plus à même de mettre fin aux crises récurrentes en Haïti que le régime prévu par la Constitution actuelle. Très compatible avec la méthode du choix rationnel, ce modèle permettrait de résoudre plusieurs problèmes fondamentaux et d'aboutir simultanément à plusieurs solutions à effets multiplicateurs, notamment :

  • La suppression des fonctions exécutives les plus déterminantes dans les crises récurrentes et la corruption, en particulier celles de Président de la République, de Premier ministre et de ministre traditionnel ;
  • L'élimination des ministères redondants, trop similaires ou qui se chevauchent, ainsi que des postes et fonctions intra-ministériels contre-productifs ;
  • La rationalisation du régime gouvernemental, des services publics et des dépenses publiques ;
  • L'extraction des organismes de maintien d'ordre et des services publics essentiels (y compris les services judiciaires) de l'emprise politique, leur technicisation et leur recentrage sur leur mission première;
  • Une séparation harmonieuse entre les pouvoirs politique, législatif, exécutif, judiciaire, de contrôle et administratif ;
  • La réaffectation des fonctionnaires et agents publics occupant des postes contre-productifs vers des services publics opérationnels ou techniques ;
  • Un regain de confiance du peuple haïtien envers ses dirigeants, la légitimité et l'acceptation populaire de l'autorité publique, ainsi qu'une collaboration efficace entre les différentes branches du pouvoir.

Pour atteindre des résultats satisfaisants, un Conseil gouvernemental de transition doit être le plus exemplaire, le plus honnête, le plus crédible, le plus expert et le plus neutre possible. Il doit réunir toutes les conditions nécessaires pour rétablir l'autorité publique et la confiance du Peuple haïtien dans ses gouvernants, pour prendre en compte les besoins réels et les revendications fondées de tous les acteurs (armés ou non armés), pour persuader les groupes armés des quartiers les plus pauvres à s'engager dans une voie de résolution pacifique des conflits armés, notamment une voie de médiation ou de négociation pour une paix durable en Haïti. La transition qu'il faut en Haïti ne pourra pas non plus se faire en quelques mois. C'est pourquoi il convient de bien structurer le conseil de transition et de bien en définir la mission.

Une proposition internationale peut être imparfaite ou ne pas être suffisamment adaptée à la réalité haïtienne. Cela ne signifie pas nécessairement qu'elle est intrinsèquement mauvaise. Le modèle de Conseil présidentiel de transition recommandé aux Haïtiens par la communauté internationale est incomplet, mais l'idée d'un conseil de transition est absolument nécessaire. Il revient aux Haïtiennes et aux Haïtiens d'exploiter judicieusement cette proposition et de solliciter l'aide d'experts pour les aider à la concevoir et à l'adapter à leurs besoins réels.

Pour atteindre cet objectif, je propose mes services au peuple haïtien, en tant que simple bénévole, pour élaborer en 30 jours un Plan de structuration et un Plan opérationnel de fonctionnement, ainsi qu'un projet de Résolution, pour le fonctionnement normal d'un Conseil gouvernemental de transition en Haïti.

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